ENCORE UN EXEMPLE DE CRÉATIVITÉ FINANCIÈRE, par François Leclerc

Billet invité.

Pour cette fois, ils sont tous d’accord, et c’est suspect en concluront les mauvais esprits ! L’Autorité bancaire européenne (EBA), la Banque centrale européenne (BCE), le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le Conseil de résolution unique des banques de la zone euro sont tous favorables à la création d’une bad bank européenne.

C’est décidé, il faut en finir une fois pour toutes avec la masse dépassant mille milliards d’euros de prêts non performants (NPL) qui encombrent les bilans des banques, afin d’imprimer enfin un nouvel élan au système bancaire. En raison de sa nationalité italienne, le président de l’EBA Andrea Enria est particulièrement sensibilisé au problème : le système bancaire de son pays accueille à lui seul plus du quart de ces NPL. Mais le schéma qui reste à mettre au point est audacieux, car toute mutualisation des pertes est proscrite à la demande du gouvernement allemand, et tout financement des pertes bancaires sur fonds publics est autant que possible à éviter.

Voilà dans ses grandes lignes le mécanisme à l’étude : les NPL seront achetés à leur « réelle valeur économique » par une bad bank financée sur fonds publics. Comment cette valeur sera-t-elle déterminée en l’absence d’un prix de marché ? Selon le projet, la bad bank utilisera pour la fixer la procédure dite de « due diligence », expression signifiant en utilisant tous les éléments d’appréciation disponibles.

Cette méthode aura l’avantage de permettre une concertation entre les deux parties, et de déterminer d’un commun accord la valeur minimum des NPL cédés, qui fera l’affaire, afin de soulager la banque en question. Comme quoi, avec un peu de bonne volonté, on trouve toujours des solutions simples à des problèmes insolubles, à condition de ne pas le clamer sur les toits.

Afin de rendre ces achats impliquant des fonds publics politiquement acceptables, Andrea Enria prévoit que la bad bank sera dans l’obligation de revendre les NPL sur le marché, selon un calendrier donné, d’éventuelles pertes étant à la charge des banques qui les ont cédés à l’origine. Beauté du dispositif, il sera toujours possible de rallonger cette période pour éviter de constater ces pertes…

Le projet est à l’étude au niveau des ministères des finances des pays de la zone euro, qui devraient faire rapport en mars prochain.